A Tunisi al Museo del Bardo: gli interventi della Scuola archeologica italiana di Cartagine

Intervention d’Attilio Mastino, Président sortant de l’École Archéologique Italienne de Carthage
Tunis, Musée du Bardo, 24 avril 2025

Autorités, chers amis,

Avec cette cérémonie au Musée du Bardo, un long et heureux chapitre de notre vie se clôt. Il y a dix ans, lorsque nous avons fondé l’École Archéologique Italienne de Carthage, en prolongeant les projets de maîtres comme Sabatino Moscati, Piero Bartoloni, M’hamed Fantar et Ferruccio Barreca, nous nous inscrivions dans la continuité des études africanistes menées dans de nombreuses universités italiennes. Ces travaux avaient notamment donné naissance à ce véritable forum international que représentent les colloques de L’Africa Romana, qui célèbreront à Rome, en 2026, leur 23e édition, marquant aussi leur 40e anniversaire.

Nous avons commencé à suivre les activités de nombreux centres spécialisés dans les échanges culturels concernant l’Afrique du Nord, de la préhistoire à l’époque phénicienne et punique, de la phase romaine aux Vandales, aux Byzantins, et à l’ouverture (futuhat) vers l’Islam,. Nous avons ainsi redécouvert les figures de nombreux chercheurs, européens et arabes, pionniers animés par une sincère curiosité, passion et engagement, qu’il faut replacer dans leur contexte historique, souvent marqué par des guerres sanglantes, sans rien oublier d’un passé qui conserve pour chacun de nous sa propre signification.

Nous connaissons la complexité des enjeux politiques impliquant les relations entre l’Europe et les pays arabes. En fait, nous avons été impliqués dans des missions archéologiques, découvrant l’enthousiasme, les projets et les compétences de nombreux collègues italiens et arabes, en collaboration avec le Ministère des Affaires Culturelles, l’Institut National du Patrimoine, l’Agence de Mise en Valeur du Patrimoine et de Promotion Culturelle, et les divers musées, de Carthage au Bardo, de Sousse à Utique. Puis les sites archéologiques disséminés sur le territoire, expression d’une histoire, d’une culture et d’une perspective de collaboration commune qui, nous en sommes certains, restera durable. Rétrospectivement, nous voyons combien de pierres ont été posées, de réponses tentées, de chemins explorés, de murs abattus, d’amitiés cultivées.

Le cadre dans lequel évolueront les nouveaux dirigeants de notre École (Anna Depalmas en tant que Présidente et Sergio Ferdinandi Président honoraire) sera une fois de plus à dimension méditerranéenne : Je voudrais exprimer aux nouveaux dirigeants, au Comité Scientifique, à tous les membres les plus grands succès et les satisfactions encore plus significatives dans les relations avec les collègues tunisiens.

Ces derniers mois, à Rome, nous avons commémoré Sabatino Moscati, à qui nous devons la bibliothèque que nous avons inaugurée sur la colline de Didon à Carthage, en collaboration avec l’Institut National du Patrimoine. Dans son dernier ouvrage, Sabatino Moscati abordait Les fondements de l’histoire méditerranéenne comme une civilisation de la mer, soulignant que nous ressentons tous « l’insuffisance d’une véritable histoire méditerranéenne, précisément au moment où l’apport de nouvelles connaissances révèle la partialité des traités existants. On peut même dire qu’il n’existe pas encore cette histoire méditerranéenne véritable, où les différentes contributions doivent se confronter et s’intégrer. Il est difficile de dire quand une telle histoire pourra être écrite. Et pourtant, l’histoire à dimension méditerranéenne me semble être la grande frontière de l’avenir, le dépassement nécessaire de cloisons anormales, voire trompeuses, pour comprendre le seul dénominateur commun valable et complet du monde antique ». S’il y a un protagoniste, hier comme aujourd’hui, c’est bien la mer. « Cette mer des anciens, qui constitue l’horizon, la condition, la limite de leur aventure ». Il faut donc partir du parcours maritime d’Énée jusqu’à Carthage et de la promesse de Vénus dans l’Énéide de Virgile : « Punica regna vides », titre de l’ouvrage patiemment composé par Sergio Ribichini ces derniers mois. Nous aussi, nous sommes entrés en Afrique sur la pointe des pieds, pleins de curiosité et d’envies, accueillis avec respect par nos collègues tunisiens, impliqués dans mille projets, avec nos étudiants, en accompagnant les initiatives de la Fondation de Sardaigne qui, avec la Région Sarde, nous a soutenus durant toutes ces années. C’est précisément la Région Sarde qui, par la loi régionale du 18 décembre 2024, nous a confié, en tant qu’Institut d’Études et de Programmes pour la Méditerranée, la mission de travailler à la création de la Macro-région européenne de la Méditerranée occidentale, en concertation avec la Corse, les Baléares, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc. Plus encore que dans le passé, nous chercherons à nous confronter sur un pied d’égalité, désireux de construire une relation positive, avec un regard amical et une perspective de paix, en surmontant tout héritage colonial.

L’École de Carthage a été un véritable terrain de formation pour nos élèves, avec un flot de revues, de monographies, de dossiers qui continueront à exister ; nous avons assuré la coordination entre groupes de chercheurs et disciplines, sans barrières. Nous avons œuvré de manière concrète à indiquer des perspectives de développement pour la rive sud de la Méditerranée. Nous avons présenté nos idées lors de séminaires, rencontres, conférences,. Nous avons construit, avec la Bibliothèque Moscati, un pont de livres entre Rome et Carthage. Nous savons que bien des choses auraient pu être mieux faites, mais avec les modestes moyens à notre disposition, nous nous mettons de côté aujourd’hui avec un sourire jovial, sûrs d’avoir gagné de nombreux amis et de pouvoir continuer à travailler pour répondre à des attentes désormais considérables.

S’il y a une chose que nous espérons avoir enseignée à nos élèves et que nous voudrions aujourd’hui transmettre à nos quelque deux cent cinquante membres, c’est bien celle du respect mutuel, des relations positives, du caractère concret de l’engagement de chacun, convaincus que seuls de grands groupes de chercheurs pourront véritablement changer l’avenir.

Parmi nos membres du côté tunisien figure un grand maître : M’hamed Hassine Fantar, docteur honoris causa de l’Université de Sassari il y a vingt ans,. Son exemple et sa dimension internationale nous ont inspirés durant toutes ces années, et nous sommes certains qu’ils continueront à nous soutenir. Dans un message qu’il nous a envoyé ces derniers jours, notre Maître formulait le vœu du renforcement de la coopération tuniso-italienne dans tous les domaines, espérant que l’Italie considère que la période punique fait partie de son histoire ancienne. Il ajoutait un point fondamental : l’arabité ifriqiyenne constitue un chapitre de son histoire médiévale.

À une époque marquée par les guerres, les fractures des valeurs et les mots souvent criés au lieu d’être écoutés, ses mots ainsi que ces jours nous rappellent que le changement commence par prendre soin, des autres, du monde, de nous-mêmes. Je vous souhaite des journées sereines, lumineuses et une véritable proximité.

Avec toute mon affection et mes meilleurs vœux.